「 POUVOIR 」 La phytokinésie, ou "contrôle du végétal" est un pouvoir très idéalisé, qui inspire des scènes dignes des plus beaux tableaux romantiques. On vous dit "je suis une jeune femme qui manipule les plantes" et vous vous imaginez une charmante fée gambadant dans la prairie et parlant aux fleurs pour les faire pousser... Techniquement vous n'êtes pas dans l'erreur, mais laissez-moi vous dire que vous ne faites qu'effleurer gentiment la surface du sujet. Et croyez-moi, je suis experte en la matière.
Contrôler les plantes implique surtout que je ressent en permanence le flux continu d'énergie sourde, sensuelle, profonde et brute de la nature. Car c'est sur ce torrent de sève, d'eau et de lumière qu'agit mon pouvoir, je  "dirige" l'énergie absorbée par chaque herbe, plante arbre comme il me chante. Je peux faire éclore une simple fleur comme faire mourir une forêt entière. Une chance que j'ai un caractère plutôt tempéré. L'application la plus intéressante de ce pouvoir est bien évidement les transformations que je peux appliquer aux végétaux, les amenant à se plier à mes besoins à l'envie. Pratique pour une fleuriste. Seule contrainte : le végétal doit être vivant, forcément. Le bois mort est muet pour moi. Mon rayon d'action a également ses limites, je peux agir sur le flux vital des plantes se situant dans un rayon d'une vingtaine de mètres.
Mon pouvoir me permet également d'analyser au moindre coup d'oeil la structure complète d'un végétal. Profondeur des racines, texture et composition du sol, hauteur de a moindre branche et jusqu'au poids des gouttes de rosée pendues à la toute extrémité des feuilles... Considérez maintenant le nombre d'arbres et autres verdures que vous croisez au cours d'une journée et vous comprendrez vite que mon corps et mon cerveau reçoivent ce type d'informations non-stop. Et imaginez le nombre de plantes en souffrance que je croise dans une grande ville comme Osaka... Pas étonnant que je sois une personne à tendance hyper sensible. Supporter et gérer ce tumulte permanent de sensations est assez usant. Mais avec de l'entrainement j'ai réussi à dépasser ce "bruit de fond" pour plonger dans la sensation de plénitude la plus unique que je connaisse. Le concept d'universalité prend tout son sens dans ces moments.

「 CARACTERE 」  Ҩ Intelligente Ҩ Pragmatique Ҩ Généreuse Ҩ Monomaniaque Ҩ Persévérante voire obstinée Ҩ Optimiste malgré tout Ҩ Légère tendance "control-freak" Ҩ Patiente Ҩ Discrète Ҩ Douce Ҩ Secrète Ҩ Rancunière Ҩ Attentionnée Ҩ Ferme, quand c'est non, c'est non.

D'aussi loin que je me souvienne, le jardin de notre petite maison familiale a toujours été luxuriant. Au grand étonnement des voisins d'ailleurs, car si l'on prêtait l'oreille aux commérages du quartier, le sol était tellement aride dans ce petit coin de la lointaine banlieue Tokyoïte, qu'y maintenir ne serait-ce qu'un massif de plantes grasses relevait de l'exploit. Pourtant, dès que mes parents s'y installèrent avec moi (alors âgée de quelques semaines à peine), le terrain s'est épanoui tant et si bien que sans un entretient constant de la part de mon père, la flore aurait envahi jusqu'à la maison.
J'ai tout appris dans ce jardin. Observer. Marcher. Courir. Creuser. Sentir. Écouter. Goûter. Aimer. Pleurer. Souffrir. Dès que le temps le permettait, ma mère m'emmenait avec elle dehors et tandis qu'elle s'affairait à diverses tâches ménagères, j'explorais le monde de notre jardin, expérimentant un panel de sensations insoupçonnées. Mes deux frères, les jumeaux Hiro et Johei, ont débarqué dans la famille deux ans après moi. Le contraste entre nous était assez saisissant : j'étais aussi calme, solitaire et réservée qu'ils étaient turbulents, sociables et extravertis. Toujours joyeux, mais épuisants,ils débordaient de vitalité et se socialisaient très facilement avec les autres enfants. Nous nous adorions même si nous n'avions pas les mêmes tempéraments.

L'heure de mon entrée à l'école primaire arriva et mes parents commencèrent à se poser des questions à mon sujet, suite à diverses remarques des professeurs. Était-ce normal que Sayuri passe autant d'heures à simplement regarder les branches d'un arbre ? (Fascinant. Je peux sentir et mesurer le moindre filet d'air entre chaque feuille) Qu'elle hurle parfois de désespoir sans raison apparente et reste inconsolable ? (Après l'avoir tronçonné le jardinier déracine un arbre vivant. Chaque racine craque avec le même bruit sinistre de mes os qui se brisent) Pourquoi ne parvenait-elle pas à se lier avec les autres enfants de son âge ? (Je n'arrive pas à entendre leur paroles au milieu du vrombissement permanent de la nature qui m'assourdit) Et pourquoi persistait-elle à marcher pieds-nus dans l'enceinte de l'école ? (Mes mouvements manquent parfois de coordination si je ne sens pas la terre entre mes orteils). Autant vous dire que ma scolarité fut assez compliquée. J'avais de très bons résultats, mais passait auprès des autres élèves au mieux pour une asociale, au pire pour une folle.
Mes parents n'étaient pas vraiment armés pour réagir à ces remarques. Comment auraient-ils pu se douter que j'étais une mutante alors que moi-même je n'avais aucune conscience que ce que je vivais dans mon corps était anormal. Mais à partir de cette période, ils m'incitèrent à rentrer dans le moule, garder mes comportements "étranges" pour la maison. Je ne leur en veux pas, ils pensaient réellement que si je parvenais à donner l'illusion d'être pareille aux autres je trouverais plus facilement une place dans la société. Je faisais au mieux pour cacher mon potentiel chaque jour. J'essayais de me couper d'une moitié de moi-même, ce qui me plongeais dans une grande déprime. Mes frères, eux, semblèrent fascinés et m'encourageaient sans cesse à tester tout un tas de choses pour explorer mes capacités.

J'eus la chance d'être contactée par la Fushigi Daigaku peu après mon entrée au collège. Ils virent discuter avec mes parents le jour même de mes 13 ans. Enfin ils eurent les réponses à toutes les questions qu'ils se posaient à mon sujet et en ressentirent un grand soulagement. Mesurant l'effort constant qu'ils avaient exigé de ma part en me demandant de cacher ma nature, ils virent immédiatement Fushigi comme une chance unique pour leur fille de s'épanouir enfin, et m'offrir un avenir à la hauteur de mon pouvoir. J'étais tellement heureuse que les fleurs du jardin ont toutes éclôt en quelques minutes. Je fus une des enfants les plus agés à faire ma rentrée cette année-là, mais je n'eus aucun mal à me faire des amis, ayant enfin l'impression d'être "chez moi" dans cet établissement. J'excellais en cours et progressais dans la maîtrise de mon pouvoir. Je parvenais maintenant à faire "taire" momentanément la nature en moi. Je pouvais contrôler la croissance de petites puis plus grosses plantes. Une partie du parc me fut allouée pour mener divers travaux pratiques. Je me sentais enfin épanouie, et prenais enfin un réelle confiance en moi développant un caractère fort que mes parents n'auraient jamais soupçonné.

Il y avait aussi ce garçon. Shimazu Ren. Il avait tout de suite attiré mon attention, car son pouvoir de pyrokinésie me terrorisait. C'était une réaction purement épidermique liée à mon propre pouvoir et je crois qu'il l'a immédiatement remarqué car même si il en faisait un usage assez imprévisible, histoire d'amuser la galerie et de se faire remarquer, il prenait soin de ne jamais enflammer quoique ce soit en ma présence. Moi j'avais l'impression qu'il allait se consumer à force de garder un semblant de façade... A force de jouer avec les règles de l'école, il est devenu la bête noire des professeurs autant que des élèves. Il avait deux ans de moins que moi et je me mis inconsciemment à veiller sur lui, car je percevais toute la détresse qu'il cachait derrière son air fanfaron. Il faisait de même à sa façon, empêchant les autres "caïds" de l'école de m'importuner. Nous avons finit par développer des liens très forts. Ren était devenu la personne la plus importante de mon monde. Concentrée sur mes examens, je gardais à distance mes sentiments naissants pour lui. Mais lorsque je fus admise comme surveillante puis professeur de Maîtrise de Éléments, leur intensité me devint évidente. J'étais bel et bien amoureuse de l'exaspérant mais attachant Ren, et ce depuis le premier jour. Seulement, il n'était plus question d'avouer ses sentiments à un garçon qui était encore élève alors que je faisait partie du corps professoral. Je ravalais donc mon premier amour et m'efforçais de le croiser chaque jour en cours sans laisser rien paraître. Et plus il faisait de bêtises, plus cette situation m'énervait.

Il en alla ainsi jusqu'à la mort du directeur. Cet évènement bouleversa nos vies à tous. Il fallait stabiliser l'école et veiller sur les élèves fortement perturbés par cet horrible assassinat. J'étais destinée à assumer mon poste à la Fushigi, moi-même profondément affectée par tout cela, je n'osais imaginer le trouble des élèves. Mais Ren quitta l'école pour rejoindre un groupe de rebelles... Après plusieurs années à jouer la comédie, le laisser filer et se mettre en danger ainsi était au-dessus de mes forces. J'ai tout laissé tomber pour le suivre discrètement. Je l'ai vu errer dans cette période troublée, en quête de réponses à des questions qui le hantaient. Et je l'ai vu tomber dans le désespoir le plus total. Alors qu'il s'apprêtait à passer à l'acte, à se suicider, je le rattrapais.
Ren avait voulu en finir. J'en pleurais intérieurement et laissais tomber les apparences et pour le consoler et le ramener parmi les vivants. Il accepta de rentrer à Osaka avec moi et de reprendre une vie "normale". Du moins autant que faire se peut pour des mutants. Ren avait rouvert les blessures profondes de son passé et je m'obstinais à tenter de le convaincre qu'être mutant ne voulait pas dire être un monstre. Mes économies et un emprunt m'ont permis d'acheter une grande maison et d'ouvrir une boutique de fleuriste dans le centre-ville. Après tout c'est mon domaine de prédilection et cela nous donne une situation plutôt stable. Aujourd'hui, Ren travaille pour moi, même si j'ai parfois peur qu'il fasse cramer les bouquets qu'il doit livrer aux clients. Nous vivons en collocation dans l'appartement à l'étage.
Malgré tout ça, je n'ai toujours pas réussi à lui avouer mes sentiments. Quelque chose, je ne sais quoi, me retient de le faire... Alors en attendant je me convainc chaque jour que vivre auprès de lui me suffit.